Et oui les amis, comme prévu, la loi sur le “renseignement”, qui rappelons nous, était là pour légaliser des pratiques, est maintenant votée, avec les “débats” que l’on connait et le résultat que l’on pouvait attendre en toute évidence. J’avais décidé de ne pas m’impliquer dans ce nouveau combat mais les tripes sont parfois plus fortes que la raison et même si je m’attendais au résultat dans son fond et dans sa forme, il est des choses qui ne passent pas.

grandduduche02_81251Tout d’abord, je souhaite rendre hommage à Cabu, car nous allons en parler. Et qui d’autre que lui pourrait mieux illustrer le problème ? Pourquoi ? Regardez mieux la baseline : “il lui faudrait une bonne guerre”. C’est curieusement la phrase qui m’est venue ce matin. C’est facile une “bonne guerre”. Cela resserre les liens. Tous unis vers un ennemi “extérieur”. Cela permet de ne pas se remettre en cause. Jusqu’au bout dans la Garcimorade ((c) JMP. Garcimore, célèbre prestidigitateur. Vous savez, ceux qui occupent l’attention avec la main droite pendant que la gauche agit à notre grande surprise).

Les étonnements d’abord

Je ne vais pas redire tout ce qui a été dit, tout est déjà dit. Pas grand chose de nouveau, si ce n’est que les instigateurs de cette loi ne pouvaient pas ignorer :

  1. que les mesures préconisées étaient techniquement inefficaces,
  2. que leurs conséquences seront potentiellement dangereuse pour la résilience de l’Internet en France,
  3. que le bruit médiatique allait donner une raison de plus de ne pas considérer le territoire France autrement que pour le pinard et le fromage,
  4. qu’il est évident que les acteurs français sérieux ou dont le chiffre d’affaire est en construction / évolution, vont privilégier des investissements en dehors de notre pays (et ne pas quitter le pays, comme je l’ai entendu, c’est stupide de le penser et pire de le croire)
  5. qu’il s’agit là d’un moyen de faire plaisir à quelques chaussettes à clous particulièrement obtues et persévérantes, tout en se donnant bonne conscience de faire quelque chose … comme pour la lutte contre la pédo-pornographie. Il est une nouvelle fois fait l’erreur de la confusion entre les causes et les conséquences. Les faits sont têtus et essayer de tordre la réalité ne fonctionne pas à moyen terme, même si cela a l’apparence de fonctionner pour la ré-élection de nombreux politiques,
  6. que nous rentrons dans une société de la peur et de la culpabilité par défaut. 1984 n’est pas le sujet ou plutôt plus le sujet.
    Le sujet, c’est “Le 5ème Element”, “Matrix”, “Minority Report” et plus dernièrement “Fast & Furious 7”.  Revoyez ces films, c’est clair non ?
    Là je suis très sérieux car la prédermination est pour moi une hérésie et un non sens. Ce qui se prépare m’inquiète, tout autant que ceux qui se réjouissent de “la médecine prédictive”. J’y reviendrais, ne vous inquiétez pas,
  7. que la liberté et la construction de notre identité semblent moins intéresser le public, les politiques, les médias, les associations des machins en “-ique”, les “Artistes” / penseurs / philosophes, les députés qui n’étaient que 30 dans l’hémicycle alors qu’ils étaient tous présents pour “défendre” les intérêts de quelques uns, avec les lois en “i”. Mais bon, le droit d’auteur sait mieux mobiliser, c’est connu,
  8. que les promoteurs de ces hérésies ne voient pas qu’un jour le système se retournera contre des innocents, contre leurs proches et même possiblement contre eux. Comment être “confiant” quand on connait un peu les technologies sous jacentes et la compétence de certains ?
  9. que les instigateurs ne voient pas qu’ils sont en train de nous clouer les pieds au sol pendant qu’ils demandent aux fossoyeurs de la LIBERTE (le premier mot de la base line de notre pays)  de tirer la corde qu’ils nous passent au cou ? Oui, j’ai bien écrits fossoyeurs de la liberté et tout d’abord de la présomption d’innocence,
  10. que tous ces gens là ne comprennent ils pas que l’Internet est un réseau qui doit demeurer électriquement neutre et qu’à chaque fois que l’on atteint cette “neutralité, on transforme ses acteurs en quelque chose de dangereux. A une époque “OPERATEUR INTERNET” ( (c) JMP) voulait dire quelque chose … aujourd’hui on n’a de cesse de détruire le secteur des télécommunications (tant industriellement que par ses acteurs) en faisant l’amalgame entre opérateurs et télé-diffuseurs. Je dois rappeler que Graham Bell a trouvé le téléphone en pensant inventer la télé-diffusion de l’opéra. C’est le téléphone qui a fonctionné, pas l’inverse,
  11. que l’on joue une fois de plus sur la peur pour faire n’importe quoi et que visiblement … cela fonctionne,
  12. que j’en ai assez d’entendre des stupidités de type “si vous êtes contre ce que je dis, alors vous êtes pour les terroristes/pédophiles/whatever”,
  13. que quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. Je le disais déjà il y a 6 ans (relire mes anciens billets sur hadopi / loppsi …) et cela continue, comme prévu dans mes pires scénarios.

Je pourrais continuer longuement, par exemple en me demandant ce que faisaient 577-30 députés. Pourquoi ne sont ils pas venus ? Pourquoi étaient ils là comme un seul homme lors des votes Hadopi-esques ? n’ont ils aucune conscience ? obéissent ils le doigt sur la couture du pantalon à une ou deux personnes de leur “parti” ? se moquent-ils de ce qui se prépare ? ne le comprennent-ils pas ? n’ont-ils même pas le courage de leur opinion ? ont-ils peur que leur nom apparaissent dans la liste de ceux qui ont dit oui ?
Quelle belle preuve de courage nous donnent ils !
Et c’est comme cela qu’ils pensent recréer la confiance du peuple dans leurs “gouvernants” ? Un seul mot me vient à l’esprit, mais il est grossier. Tous ces gens là ont ils oublié pourquoi ils s’étaient engagés dans ce dur métier, pourquoi ils étaient là ? Ont-ils sacrifié leurs volonté d’aider et de participer à un monde meilleur au profit de leur confort et de leurs mandats futurs ? Je pensais que depuis Hadopi ils avaient compris. La désillusion est dure : 30 députés présents … 547 absents. Vous appelez cela comment ?

Maintenant passons au positif :

CINQ !!!

Cinq (5) députés sont restés debout et qu’il faut remercier, tant aujourd’hui que demain, (s’ils ne changent pas) :

  • Laure de La Raudière (UMP)
  • Lionel Tardy (UMP)
  • Isabelle Attard (Nouvelle Donne)
  • Sergio Coronado (EELV)
  • Jean-Jacques Candelier (GDR)

On remarque que pas un PS n’a voté contre et on pourrait se dire quelle honte. Rappelez vous les votes Hadopi alors que c’était la droite qui était au pouvoir. Il n’y avait pas beaucoup d’UMP à retrouver la raison non plus et certains étaient déjà là. Et si c’était là le vrai problème ? des gens qui ne pensent plus, qui n’osent plus. Qui privilégient leurs intérêts particuliers au bien public et à l’intérêt général.
En fait, oui, ils ont peut être raison. Leur faudrait il une bonne guerre pour retrouver le sens de l’honneur, de l’engagement, de la raison, du collectif ? Pour abandonner l’égoïsme, la compétition individuelle au profit d’un monde collaboratif qui est la seule solution viable. Pour enfin comprendre que la sécurité n’est pas supérieure la liberté et que la liberté (d’expression) n’est pas supérieure à la fraternité. J’ai un peu l’impression que cela manque d’envergure tout ça … d’ambition, de sens avant que de nous expliquer qu’il n’y a pas les moyens. L’ambition, le sens et l’honneur, je n’ai pas l’impression qu’il nous faille une bonne guerre ou de se le faire expliquer par d’autres pour les retrouver.

La société civile s’organise

Outre l(es) association(s) habituelle(s) (LQDN) et les habituels “suspects” (Reflets, Numerama, Nextinpact, Benjamin Bayart …) qui ont compris le problème et ont fait un travail remarquable, je voudrais parler de l’initiative “ni pigeon, ni espion” que nous venons exceptionnellement de rejoindre à titre professionnel. Je n’ai pas l’habitude de mélanger mes convictions personnelles avec mes engagements professionnels, mais nous avons considéré chez Witbe que cela était suffisamment d’importance et les initiateurs suffisamment sérieux pour s’associer à la démarche.
Maintenant on se demande vraiment où sont passés tous les autres. Je parle des professionnels de la profession, qui font fond de commerce de l’Internet et du numérique. Mais je veux aussi parler des associations syndicales, patronales, PME-esques. Des associations d’investisseurs. Des écoles. Des universités …. De tous ceux qui ont besoin d’être dans un pays où la confiance est la base car sans confiance, il n’y aura pas de transaction et sans transaction, il n’y aura pas de valeur. C’est aussi simple que cela.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Autant avec les lois en “i”, nous n’étions pas si nombreux, autant là, je sens un véritable mouvement. Il faut encore un peu évangéliser pour éviter que certains se pensent plus malins grâce au chiffrement et par ce fait, parviennent à le rendre inefficace, comme une député le demandait récemment. (si vous aviez son nom, cela m’intéresse).
Aujourd’hui, de plus en plus de monde sont au courant. On ne peut plus “éteindre” l’Internet. L’Internet est USER CENTRIC et tout problème User Centric doit être géré par des moyens User Centric. Plus que jamais Einstein avait raison et j’en ai même fais mon avatar twitter … en honneur à ceux qui pensent avoir réussi leur coup.
Mise à jour (16/4/2015) : cela se dégonfle peut être, comme le pense @Autheil, mais le précédent créé permettra de faire beaucoup (trop) de choses … et maintenant légalement. Et même si je pense que les boites noires étaient l’arbre qui masque la forêt, ca n’est pas une raison pour ne rien dire et laisser faire. Comme je l’ai indiqué, ce n’est pas parce que c’est inutile qu’il ne faut rien faire. Cela montre comment la société s’organise face à de vraies questions, c’est très enseignant pour la suite et nous permet de ne pas confondre comme eux causes et conséquences, buts et moyens et bien public et ma gueule.
Mise à jour (17/4/2015) : Le vent de la colère gronde. Là, ils sont allés trop loin et la société civile commence à s’en rendre compte. Il faut bien comprendre qu’outre le risque posé sur les infrastructures Internet dont personne ne parle, on touche ici à une modification politique, philosophique de la société vers quelque chose de non contrôlable et de non controlé :

  • la présomption de culpabilité ou bientôt tout ce qui ne sera pas préalablement autorisé sera interdit, (vive les listes blanches)
  • l’automatisation de la présomption de culpabilité par des moyens dont nous devons par construction nous méfier. Les boites noires seront elles à la justice que que le fast trading a été à la finance ?

Faut-il que ce soit suffisamment grave pour faire intervenir des gens que je n’attendais pas forcement et dont j’aime l’analyse et la réaction :

  • Laurence Parisot dont l’avis clair et précis est A LIRE ICI
  • la CNCDH, dont l’avis me laisse pantois d’admiration pour le travail fourni, même si je regrette la tiédeur de leur article 8. Mais, ayant déjà assisté dans le passé à ce genre d’arbitrage, je ne peux absolument pas le condamner mais juste le déplorer. SVP : A LIRE (cliquez ici)

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